Episode 2 : Riposte [Bryan Summer]

Je suis le débat sur les 5 millions en silence en tournant la tête vers chaque personne qui prend la parole. Je m'arrête sur Kévin, le dernier a avoir posé une question. Une lueur étrange brille dans mon regard lorsque je lance :

Le ruskoff il est pour moi. Je vais gentiment l'envoyer se faire mettre. Des hypothétiques 5 millions volés, il devra déduire les frais d'hospitalisation et diverses indemnisations versées à mes agents suite à la course poursuite avec ses gorilles. Sans compter l'achat de véhicules flambant neufs que je vais devoir effectuer. Autant dire qu'il n'en restera pas grand chose.

Il ne va pas m'apprécier, mais je ne suis pas là pour me faire aimer des emmerdeurs. Je les écrase. Nous avons d'autres choses plus importantes à gérer. Je ferai expertiser sa vidéo ainsi que le casino de fond en combles.

Ce cher Konstantin pourrait faire payer un bleu, mais je ne tomberais pas dans des combines de débutants. Je m'arrangerai pour que les frais d'expertises aussi coûteux soient-ils, retombent sur la famille Sadovki. Le NYPD ne déboursera pas un centime.

Je peux sentir que ma détermination est communicative. Après tout, si je pouvais rendre un coup dur aux Sadovski, je démontrerais que je ne suis pas n'importe qui, et que lorsqu'il s'agit d'argent, c'est dans mes poches qu'il entre et n'en sort uniquement que lorsque je l'ai décidé. En cela je me rapproche encore une fois de Charlie. Je serai le seul à manier les ficelles.

Le charisme que dégage cet homme n'est pas pour me déplaire, si je prends en compte les éléments dont je dispose concernant les Sadovski, je suis prêts à parier que je suis face à une personne plutôt bien, voire très bien placée dans la hiérarchie familiale.

Je le salue d'un hochement de tête, son faciès étant d'emblée imprimé dans ma mémoire, une information que Charlie pourrait apprécier. Mon feeling est très souvent bon lorsqu'il s'agit de traquer des gangsters.

Lorsque je lui réponds, mon ton se veut posé malgré l'accusation qui m'est portée en filigrane :

Je vous remercie pour votre accueil, Monsieur Sadovski. Cette affaire de mallette volée est une fâcheuse coïncidence qui tombe à point nommé pour le NYPD. Malgré tous les moyens que j'ai mis à la disposition de la population new yorkaise, dont votre honorable famille fait désormais partie depuis deux ans, la criminalité est un symptôme qui varie constamment. Le vol dont vous me faites part, pardonnez-moi l'expression, n'est autre qu'un effet de poupées russes. Or, les entrelacs d'affaires ont été monnaie courante pour le NYPD à mon recrutement il y a 7 ans.

Je laisse une courte pause avant de terminer avant de fixer mon regard dans le sien :

Aucune affaire dont je me suis saisi personnellement n'a été classée sans suite. Soyez assuré Monsieur Sadovski, que je vais m'affairer pour mettre la main sur l'argent que l'on vous aurait volé.

Vous ne verrez pas d'inconvénient que nous visionnons ensemble la vidéo mettant en cause un membre des One Niners ? J'imagine également que vous appréciez grandement que vos clients récupèrent l'argent qu'ils ont gagné rapidement, aussi, avant l'ouverture de l'établissement, vous me permettriez volontiers d'entrer dans la chambre forte ?

Je refuse poliment le rafraichissement avant de visionner la vidéo.

C'est ensuite à mon tour de hausser un sourcil. Ce mec se paye littéralement ma tête :

Et bien...J'en pense que votre renard était plutôt bien informé pour un étranger du personnel et que l'argent en question n'attendait plus que lui pour disparaitre. Quant au tatouage dans son cou, depuis une époque pas si lointaine et qui est loin d'être révolue, je ne me fie plus aux signes distinctifs des gangs locaux pour remonter les pistes. Et ce d'autant plus lorsque cela s'est produit dans le Bronx. Une chose est sûre, Monsieur Sadovski, cette personne a une dent contre vos établissements. Vous auriez bien une liste de joueurs malchanceux qui auraient liquidé toute leur fortune à votre bénéfice ?

Après lui avoir bien fait comprendre qu'on ne se payait pas ma tête aussi facilement, je reprends tout mon sérieux et de planter mon regard dans le sien :

Quoiqu'il en soit, je vais prendre en main cette affaire afin de faire la lumière sur les zones d'ombres persistantes. J'ouvrirai dès mon retour une enquête afin de remonter jusqu'à l'argent qui a disparu. Vous pouvez en être assuré Monsieur Sadovski.

Ce que je m'abstiens de dire, c'est que les résultats risqueraient d'être plus gênants pour sa famille qu'autre chose.

Nous y sommes, la menace de procès. Naturellement, ce dernier serait une aubaine pour eux s'ils arrivaient à faire déplacer Mary au tribunal. Au détail près qu'elle ne me défendra pas elle-même. Je hoche simplement la tête, avant de lui répondre :

Naturellement Monsieur Sadovski, vous êtes parfaitement dans vos droits de faire appel à la justice de notre pays afin d'obtenir réparation. Je connais bien la valeur de cinq millions de dollars puisque le NYPD a dû débourser une somme avoisinante pour les frais d'hospitalisation de mes agents ayant été blessés ainsi que les véhicules de fonction mis hors service, dans une course poursuite avec des berlines appartenant à un membre de votre famille.

Aussi, avec tout le respect que je vous dois, ce n'est pas contre vous, mais vous comprenez bien que mes hommes tout comme mes véhicules de fonction, représentent des éléments indispensables au NYPD. Les fonds dont je dispose ne me permettent pas un tel écart, vous ne verrez naturellement pas d'inconvénient à ce que l'on discute transaction à l'issue de mon enquête, Monsieur Sadovski ?

Je ne plaisante absolument pas lorsque je pose à mon tour mes réclamations. Mes yeux translucides transpercent d'ailleurs les siens. Je ne me suis jamais laissé marcher dessus, et ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer.

Contrairement à ce qu'il pourrait s'attendre compte tenu de mon âge, je maitrise parfaitement l'art de la communication et de la manipulation. Je ne suis pas manipulable.

Au sourire affable du russe, un large sourire angélique y répond :

Bon sang mais c'est bien sûr ! J'aurais du y penser plus tôt. La logique de la vente des véhicules crevait les yeux tant la famille Sadovski transpire la bienfaisance, créer du plaisir par les jeux voilà tout l'enjeu de leur émigration à New York.

Puis en réponse à sa réplique concernant l'honnêteté de sa famille :

New York n'est pas un monde de bisounours Monsieur Sadovski, le rêve américain est une légende, votre famille a tenté d'apporter un rêve russe basé sur les jeux d'argent. Comme tout rêve il finit par s'évaporer, et vous commencez à en émerger.

Votre famille s'est offerte deux années de vacances grisantes roulant sur l'or, peut-être est-il temps d'envisager de retourner chez soi en toute sécurité, en faisant savoir que le rêve américain n'existe pas et que vous vous êtes fait berner comme tant d'émigrants ?

Oui je suis une belle ordure lorsque l'on se fout littéralement de ma gueule, aussi puissante que soit la personne en face de moi. New York m'appartient, les Sadovski n'ont pas leur place ici.

Malgré le fait que son visage reste impassible, je sens bien que ma réplique ne lui plait pas du tout et que s'il pouvait me trancher la gorge sur place, il le ferait volontiers. Le ton est donné. Je serre la main qu'il me tend et fais un geste quasi imperceptible de la tête pour lui tendre ma gorge avant de lui répondre :

Nous avons tout deux un planning chargé Monsieur Sadovski, aussi suis-je navré que nous ne puissions poursuivre cet entretien.

Nous connaissons chacun les activités obscures de l'autre, cet entretien était un préambule aux premières passes d'armes.

Avant de quitter l'établissement accompagné de mes tireuses d'élites, l'idée me passe à l'esprit de le faire exécuter sur place. Il est vraiment dommage que j'aie choisi la voie de la police. Tout en quittant l'établissement, je tends discrètement l'oreille à l'affût d'un éventuel échange en russe.

Un sourire point sur mes lèvres lorsque je me fais insulter en russe. En voiture je réponds à la réflexion de Lucie :

Tu ne crois pas si bien dire ma Lucie, tu ne crois pas si bien dire...Ceci dit j'apprécie le joli surnom qui vient de m'être donné en russe par Konstantin Sadovski, "petite merde". Je trouverais ça plutôt humiliant de me faire écraser par une petite merde, personnellement.

Marianne ayant pris le volant, je peux me permettre de tourner la tête à l'arrière avec un petit sourire de savant, la lueur si caractéristique dans mon regard lorsque je viens de terminer un casse-tête très complexe :

Tu ne croyais tout de même pas que nous avions affaire à un simple magnat russe ? Pourquoi crois-tu que je suis entré dans son jeu ? Avec deux semaines de repos forcé j'ai eu le temps de beaucoup réfléchir tu sais. Je ne sais pas où vous en êtes au niveau de la résolution des dossiers, mais à mon sens tout est lié.

Je reporte à nouveau mon regard sur la route avant d'envoyer la bombe qui changera tout :

Tout commence avec l'assassinat du Ministre de la Défense. Nous retrouvons sur place rien d'autre qu'une balle russe. Marianne nous apprend qu'il s'agit d'une rafale simultanée de 5 snipers. La logique veut que l'on se retourne contre les NW, seuls à notre connaissance à importer des armes russes. Seulement voilà, dans la foulée, un casino du Bronx est détruit par les One Niners.

Bien sûr, une fois encore la logique voudrait que ce soit les NW qui agissent sur Manhattan. Mais les gangs sont plus subtiles que cela à mon sens. Je ne pense pas que les Niners et les NW forment une coalition, en revanche, l'un comme l'autre n'apprécient pas que les Sadovski les supplantent en éliminant un pion emblématique, le Ministre de la Défense.

Au cours de la rixe au sein du casino,, de nombreux civils sont tués, sans doute de très bons clients des Sadovski.

Je me frotte le menton avant de terminer :

Et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'intuition que Maître Martin gênait tout particulièrement le fleurissement de leurs affaires. Nous devons encore creuser de ce côté là, mais à mon sens il n'a pas été assassiné par hasard, et ce d'autant plus qu'une main lui a été coupée.

Je me passe la langue sur les lèvres :

Voilà pourquoi en filigrane, j'ai fait comprendre à ce cher Konstantin Sadovski que je n'étais pas dupe et qu'il me sous-estimait. Il m'a insulté en russe car il sait que je suis en train de fouiller dans ses affaires et que ça l'emmerde profondément. Mais bien sûr, je me suis gardé de lui faire savoir que je parlais couramment le russe...

Les pièces du puzzle sont en place dans ma tête, il ne manquera plus que le plus difficile à trouver : les preuves.

Si elle suit parfaitement mon raisonnement, elle devrait comprendre pourquoi nous avons vu un tatouage Niner dans le cou du prétendu cambrioleur. Un coup monté des Sadovski pour brouiller les pistes, sans compter sur mes connaissances personnelles que je garde pour moi.

Le nouveau sourire qui se dessine sur mes lèvres n'a rien à voir avec les précédents, c'est celui d'un homme fier de son équipe, et plus particulièrement des deux femmes qui l'entourent :

Merci les filles, j'ai toujours su que je pouvais compter sur vous.

J'aurais sincèrement apprécié qu'elles soient, tout comme O'Malley, dans la confidence du pacte, cela aurait facilité et expliqué bien des choses. Je pourrais leur dire ce que cherchent les Sadovski, ce n'est pas l'envie qui manque, mais le pacte est scellé depuis 5 ans, et s'il devait être rompu, cela ne viendrait pas de moi.

Tu as toujours été de bon conseil et tu as une bonne analyse des membres de l'équipe AG Lucie, aussi vais-je mettre comme tu le suggères, notre petit couple à peine discret, comme je l'étais à l'époque avec Sam, sur l'affaire de la mallette.

Cette remarque m'arrache un peu de nostalgie, la bonne vieille époque où je n'étais que le petit génie de l'équipe AG, que l'on ne cherchait pas tant que cela à éliminer.

Je vais te retirer une épine du pied en reprenant les commandes des réunions de l'équipe AG, je te laisse gérer les cartes tandis que je vais reprendre mes papiers et mes feutres, pour plus de concret.

Pour ce qui va suivre, nous allons faire expertiser la vidéo qui nous a été donnée pour en relever toutes les imperfections qui pourraient nous dévoiler les premiers indices afin que Nina et Léo puissent commencer à opérer dans une direction.

Ensuite, et pour répondre en partie à ta question sur le délai d'action des Sadovski, ce sont des russes, ce qui fait deux familles russes à New York, soit une de trop. Comme dans tout gang, il y a toujours des petites frappes qui restent au plus bas de l'échelle et qui sont relativement facile à manipuler, surtout avec les moyens financiers dont disposent les Sadovski.

Nous en avons eu une preuve flagrante aujourd'hui, c'est une famille qui maitrise bien les ficelles de la manipulation et qui reste toujours borderline avec la loi. Contrairement aux Yakuza, ils ne semblent pas jouer sur l'avantage du nombre mais plutôt de la finesse, voire de l'infiltration.

C'est pourquoi je compte reprendre et étudier les fichages des petits délits commis par des membres des NW, il est possible que cela puisse nous être utile. J'enverrai une équipe les interpeller, il y aura certainement Randall dans le lot, il semblerait qu'il soit un adepte du terrain. Il pourra faire ses preuves.

Les rouages de mon cerveau se libèrent, c'est comme si la question de Lucie venait d'enclencher le mécanisme de mes stratégies à venir.

Je me mords la lèvre inférieure avant de lâcher un soupir :

J'ai bien l'impression que nous ne risquons pas d'oublier les autres gangs, Marianne. Outre le fait que l'assassinat du Ministre de la Défense soit une affaire d'Etat, c'est aussi un véritable coup de pied dans la fourmilière qui risque de déclencher une guerre ouverte entre les gangs, et les new yorkais risqueront d'être les premières victimes des feux croisés.

En plus de cela, le FBI et les Sadovski veulent ma tête en m'écartant des manettes du NYPD. Je suis trop dangereux pour eux, et ils vont se faire un malin plaisir de tenter de m'éliminer dans les règles de l'art, en apparence en tous les cas.

Compte tenu des affaires qui risquent de nous tomber dessus, O'Malley a du avoir un argumentaire en béton pour que je cède à l'achat de ces deux bolides qui m'ont coûté terriblement cher, bien que le NYPD dispose d'un budget important.

Alors que je me rends vers la salle de réunion, je suis une nouvelle fois interpellé, j'ai beau avoir l'intention de réintégrer pleinement l'équipe AG, je dois me rendre à l'évidence, je suis avant tout le Directeur du NYPD. Aussi dois-je gérer l'ensemble de mes services, même si je suis un spécialiste de la criminalité new yorkaise.

Ce que le Capitaine du service de la répression des fraudes me dit active une ampoule dans mon esprit concernant la mutilation dont Maître Martin a fait l'objet. Je fronce légèrement un sourcil tout en jetant un oeil à la nouvelle carte de Lucie. Je me dis, que je me passerai bien du topo sur les positions des gangs, que je connais plus que bien.

Le regard de mon agent n'est pas difficile à déchiffrer, il est terriblement affecté par la mort de Maître Martin qui était un homme d'une droiture exemplaire. Je pose une main rassurante sur son bras :

Nous mettrons la main sur les responsables de l'assassinat de Maître Martin, Capitaine Floy, ils seront sévèrement punis. Son décès ne doit pas inciter le service de répression des fraudes à baisser les bras. Bien au contraire, nous allons augmenter nos harcèlements.

Tandis que je lui réponds je nous fais marcher vers la salle de réunion. Je lui demande d'attendre un instant d'un geste de la main. J'entrouvre la porte de la salle de réunion tandis que les membres sont en train de plancher sur la carte des gangs. Un petit signe de tête de ma part fait venir Lucie à moi :

Je vais au service de répression des fraudes avec le Capitaine Floy concernant l'affaire de l'avocat. Lorsque tout le monde sera sur un pied d'égalité concernant la carte des gangs, fais passer tous les dossiers en même temps pour expliquer dans les grandes lignes le raisonnement dont je vous ai fait part dans la voiture. Observe les réactions des uns et des autres et je viendrais rajouter mon grain de sel, probablement avec de nouveaux éléments pour nos enquêtes. Je fais vite. Contacte-moi sur mon portable si vous avez impérativement besoin de mon avis pour avancer.

A l'instar de ma réaction pour le Capitaine Floy, je pose une main sur son bras en plongeant mon regard dans le sien avant de souffler :

Courage, nous vaincrons des gangs.

Un frisson parcoure ma colonne vertébrale lorsqu'elle me fait un sourire charmeur. Elle s'amuse de ma réaction avant de retourner à son poste tandis que je referme la porte derrière moi.

Je hoche la tête à l'attention du Capitaine :

Allons dans votre bureau Capitaine Floy.

Nous saluons en chemin les agents qui sont assez surpris de me voir dans l'aile ouest du NYPD, dans laquelle je ne mets pratiquement jamais les pieds, préférant me faire parvenir tous les rapports.

Comme tout bon fiscaliste qui se respecte, le Capitaine Floy est un homme très ordonné, tous les dossiers du services sont rangés dans des casiers biens définis, et le bureau en lui-même ressemble plus ou moins au mien en ce qui concerne la netteté.

Je le sens hésiter à prendre place derrière son bureau en ma présence. Aussi, je m'installe de moi-même en face de son bureau, comme le ferait tout autre personne en réunion avec lui. Je l'invite donc indirectement à prendre sa place habituelle avant de reprendre où j'en étais arrêté :

Vous soupçonnez la famille Sadovski de fraude fiscale, cela est bien le moindre mal dont ils puissent être responsables Capitaine Floy. Je les soupçonne en effet quant à moi, d'être responsables non seulement de la mort de Maître Michael Martin, mais aussi de l'assassinat du Ministre de la Défense.

Vous comprenez donc pourquoi l'équipe Anti-Gangs s'est saisie du dossier relatif à la mort de Maître Martin. Vous disiez que le service de répression des fraudes travaillait de concert avec lui pour mettre en lumière les fraudes fiscales dont se rendrait coupable la famille Sadovski. Quel était exactement son rôle ? Etait-il un habitué des casinos ? Peut-être avez-vous les rapports d'activités de Maître Martin pour notre compte, de ces derniers mois ?

J'ai évidemment en tête le moignon qui remplace sa main, si je pouvais éclaircir ce point cela permettrait à l'équipe Anti-Gangs d'avancer.

Maître Martin était véritablement un homme juste qui aimait particulièrement son métier au point de risquer de faire plonger son propre cabinet. Un pion manifestement dangereux dont la disparition pourrait secrètement arranger Mary Wolf.

J'ajoute les comptes qui m'onté été donnés au dossier tout en suivant le fil de son raisonnement, enregistrant le moindre détail tout en me passant une main sur le menton. Je reprends à partir de la disparition étrange du client :

L'affaire de la disparition du client de Maître Martin n'est pas parvenue jusqu'à moi, sans doute parce qu'il a été considéré que cette affaire ne relevait pas de la compétence de l'équipe AG. Cependant je compte bien la rouvrir et la lier avec celle de l'assassinat de Maître Martin.

Je vous prie de bien vouloir me ressortir ce dossier Capitaine Floy.

Tandis qu'il recherche le dossier que j'ai demandé je continue de parler :

Maître Martin était un homme si bon et féru des jeux d'argent d'après ce que vous me dites, qu'il en a oublié qu'il était au casino dans le but de démontrer une fraude fiscale et non pas d'humilier la famille Sadovski et leurs clients en remportant le pactole sur une partie de poker.

Je marque une pause avant de plonger mon regard dans le sien, non pas pour faire preuve d'autorité mais plutôt pour altérer sa culpabilité :

Vous auriez été présent ce soir là, que cela n'aurait certainement pas changé grand chose Capitaine Floy, peut-être l'équipe AG aurait-elle eu à traiter d'un double meurtre au lieu d'un. Vous n'êtes pas responsable de la mort de Maître Martin. Il s'est lui-même brûlé les ailes en se laissant emporter par son talent de joueur de poker, tout en oubliant qu'il était face à de potentiels fraudeurs.

En revanche vous n'auriez pas dû prendre cette décision seuls, il aurait fallu me mettre dans la confidence.

Je lâche un léger soupir avant de terminer :

J'imagine qu'il vous a contacté en sortant du casino avec le pactole remporté. A combien s'élevait le montant de ses gains ?

Je hausse un sourcil tout en récupérant le dossier, lorsqu'il m'annonce le montant de ses gains fussent-ils approximatifs.

On peut dire que Maitre Martin avait touché le gros lot. Alors même que l'on puisse se douter qu'il s'agisse d'argent blanchi, 30 millions de dollars, cela représente une sacrée somme et donc un temps faramineux pour les mettre en circulation.

Je commence à reculer ma chaise pour me lever en tapotant le dossier avec mes doigts. Je lui serre chaleureusement la main en lui donner mes directives afin de l'écarter au moins temporairement du dossier du cabinet de Mary Wolf :

Poursuivez vos investigations concernant les casinos de la famille Sadovski, Capitaine Floy. Trouvez un nouvel appât et tenez-moi informé de l'évolution de votre enquête. J'ai le pressentiment que le semblant d'ordre que nous avons su instaurer depuis cinq ans est sur le point d'exploser littéralement. Le pire reste à venir, gardez bien l’œil ouvert et ne prenez pas de risques inutiles.

Mon ton inspire la confiance la plus totale qu'il puisse être. Pour autant mes instructions ne permettent aucune marge de manœuvre d'indépendance. Je n'ai rien dit directement, mais je n'apprécie pas que mes équipes prennent des initiatives sans m'en informer au préalable. Ce n'est pas parce que je suis un patron jeune et paternaliste que je ne tiens pas le NYPD d'une main de fer.

Sur le chemin du retour je feuillette le dossier Slayer et cherche les points communs avec celui de l'avocat à savoir la manière dont cet homme s'y ait pris pour participer à une partie privée qui lui a été tout aussi fatale que Maitre Martin, quand bien même son corps n'ait pas été retrouvé. Je cherche également les éventuels éléments que l'on aurait voulu me cacher et qui pourraient m'intéresser concernant les Sadovski.

Ludovik Slayer est l'incarnation même de la dépendance aux jeux d'argent : Le joueur monte au Paradis tant que l'argent rentre, et plonge vite en Enfer dès qu'il est en fuite.

Si aucune preuve n'a pu être rapportée en justice, il n'en reste pas moins que le fait qu'il ait remporté une somme importante lors d'une partie privée au sein du cercle de jeu de la famille Sadovski, fait peser tous les soupçons sur eux. Sa disparition soudaine lorsque Maître Martin a pris son dossier en main attire d'autant plus l'attention sur la famille Sadovski, dès lors que celui-ci a été assassiné après avoir remporté une somme mirobolante au sein du même cercle de jeu.

Bien entendu toutes les preuves ont disparues encore une fois.

Le dossier Slayer est très léger mais les éléments dont nous disposons sont suffisants pour les lier à l'affaire Martin.

Lorsque j'arrive au niveau de la salle de réunion, la carte des gangs est toujours affichée et les membres de mon équipes sont en train de discuter sur les différents dossiers qui circulent sur la table.

J'écoute la fin de la réflexion du nouveau venu avant de faire à nouveau mon entrée, la plus silencieuse possible. Toutefois, mon charisme naturel attire irrémédiablement les têtes vers moi, dont certaines se décomposent en voyant le dossier que j'ai entre les mains.

Je dépose le dossier sur la table avant d'aller me servir un café :

Ne vous arrêtez pas pour moi, je vous écoute, vos neurones ont l'air bien huilés.