Appartement d'Ellen Jackson

Un mois plus tard, j'arrivais avec Noah, à l'appartement d'Ellen. Je savais que c'était une mauvaise idée, qu'on avait des chances de se faire jeter. Et pourtant, j'en crevais d'envie depuis bien trop longtemps pour que je puisse me permettre de l'oublier pour de bon. Je ne pensais qu'à elle. Noah dans mes bras, je m'avançai jusqu’à l'entrée, m'arrangeai pour que la concierge m'ouvre rapidement sans signaler ma présence à la brune, puis montais lentement les escaliers. Arrivé en haut, je m'arrêtai finalement devant la porte. Le cœur battant. Noah m'enlaçant par la nuque.

Je toque, je reviens au moment présent. J'ai les foies, ouais. C'est le cas de le dire. J'attends.

J'étais dans la salle d'eau, en train de me rhabiller, quand j'entends frapper à la porte. Je ferme mon jean, grommelant. J'ai envie d'être tranquille, merde. Je suis rentrée dormir dans l'après-midi, à cause des conteneurs de marchandises diverses qui sont arrivés cette nuit et qui m'ont donc empêchée de dormir. J'ai cauchemardé. J'arrête pas, en ce moment.

Traînant la patte, je vais ouvrir. Je me fige. Il est là. Son gosse dans les bras.

Je déglutis.

Haem, salut, Noah, articulé-je finalement. Ca va ?

Pitoyable, non ?...

Noah se relève un peu, et la fixe de ses beaux yeux bleus, il lui fait un grand sourire, et papillonne un peu des yeux :

Oh ! La jolie dame ! Salut Ellen ! Ça va, bien. Et toi ?

Moi, je reste planté, comme un con, ne sachant que trop dire... J'observe Ellen, elle a l'air fatigué... J'aimerai la prendre dans mes bras, là, maintenant. L'embrasser, la consoler. La consoler ? Mais de quoi ? Pauvre con, ça se trouve, elle t'a déjà effacé. Pourtant, je lâche pas non. Faut qu'elle me le redise une deuxième fois, voir une troisième pour que je comprenne bien.

Je hausse les épaules, lui faisant un pauvre sourire.

Bof, on a vu mieux. Entre. Je dois avoir du jus d'orange, ça te va ?

Non, je ne parle pas à son père. Pas que j'en ai pas envie. Mais je sais pas quoi lui dire. A quoi il joue ? Il se pointe chez moi, comme ça, à l'improviste, avec son gosse... Et moi je stresse comme une malade, je sais même pas pourquoi. Putain, je déteste ça.

T'as pas du Whisky ? Demande Noah.

Noah !

Quoi ?

Mais ça va pas non ?

C'était pour rire, t'aime le Whisky toi ? Hein, Ellen, t'aime ça ?

Quelle grande bouche celui-là, je me demande bien de qui il tient ça, pas de Karine en tout cas. Ça c'est sûr, il n'y a pas plus vierge qu'elle avec l'alcool... Peut-être de moi. Merde.

Je lui adresse un sourire en coin. Il me plaît, ce petit. Son père a attendu ses douze ans pour boire du whisky, par contre, le fils est précoce.

Quand t'auras du poil au menton, je t'en donnerai. En attendant, c'est jus d'orange, hm ?

Ca marche. C'est quand que j'en aurais du poil au menton, tu crois ?
Hm, t'as quel âge ?
Euh, attends.

Il me chuchote quelque chose à l'oreille, j'arque un sourcil, et je ne peux m'empêcher de sourire légèrement, puis je réponds :

Tu n'as qu'à demander à Ellen. Je suis sûr qu'elle connaît la réponse.
Hm, oui mais ça fait moins classe si je lui demande la réponse. J'voulais l'impressionner, moi.
Pourquoi ?
Ben, parce qu'elle est jolie, j'aime bien, impressionner les jolies filles. Comme toi ! Ah je me souviens... 5+1 = 6, j'ai six ans !

Je lève un regard vers ma belle brune. Je la recherche, je donnerai n'importe quoi, pour qu'elle me regarde encore une fois comme elle le faisait après qu'on ait fait l'amour.

Mais moi, je regarde Noah. Je lui souris, sincèrement. Ce petit est sensas'. Si seulement ses yeux ne me rappelaient pas si douloureusement ceux de son père, sans parler de ses mimiques, il serait parfait.

Ouah, bravo ! T'es plus fort en maths que ton papa, dis donc, il aimait pas ça lui quand il était petit !

Ah ? Pourtant, il est fortiche pour compter les billets mon papa, tu sais ! Il en a plein des billets ! Il est trop fort, mon papa !

Il finit par descendre, je le pose à terre, et il s'approche vers Ellen, attrape son verre de jus de fruit. Moi, j'ai la gorge sèche. Résiste Charlie, y'a Noah. Tu peux pas le mêler à une dispute entre adultes.

Hé, dis, Ellen. T'as un amoureux toi ? Qui te protège et tout ? Contre quelques bisous ?

Oh putain. La question qui tue.

Je lève les yeux vers Charlie. Je peux pas faire autrement, je peux pas m'en empêcher. Je lève les yeux vers Charlie, mon regard trouve le sien, et je dis juste :

Non.

Je détourne de nouveau les yeux, sortant d'autres verres. Ca m'occupe, c'est déjà ça. Je mets un peu de whisky dans chaque, et en prends un, laissant Charlie attraper le sien. Je serre fort le verre entre mes doigts, j'ai les jointures toutes blanches. Bordel.

Hé tu sais, moi j'en ai plein des amoureuses, mais, t'es plus jolie qu'elles, alors si tu veux moi, si tu me fais un bisou et un câlin ben, je te protégerai des méchants. T'en dis quoi ? C'est cool comme marché non ?

Moi, je récupère mon verre, et je ne lâche pas Ellen du regard, regarde moi. S'il te plaît... Ellen, juste encore une fois...

J'ébouriffe les cheveux de Noah. Il est trop mignon. Il touche juste là où ça fait mal, mais il peut pas le savoir.

Ca marche pas toujours comme ça, tu sais. Des fois, on fait des câlins et des bisous, et puis finalement, ça fonctionne pas. Mais toi, je veux bien t'en faire quand même, parce que t'es cool comme mec.

Je m'accroupis donc pour le prendre dans mes bras et lui frotter un coup le dos. Je garde les yeux fermés un instant. Et je les rouvre, pour les lever vers Charlie. Je sais pas à quoi je m'attends, mais je le fais...

Je laisse mes yeux croiser les siens, le visage toujours sérieux et légèrement fermé sans doute, mais mes yeux, eux, ils trahissent réellement ma pensée profonde. C'est toi que je veux Ellen Jackson, personne d'autre. Et je te laisserai jamais partir, je te harcèlerai jour et nuit, s'il le faut, pour que tu me cèdes.

Noah finit par s'écarter d'elle, et lui pose un baiser sur la joue, il se tourne vers moi et lève le pouce :

T'as vu papa ! J'me suis fait une super copine ! Yeah !

Oui... Elle est géniale, tu verras.

Hé ! T'as la télé ici ? Y'a mon dessin animé qui va passer ! ça te dérange que je m'installe ? J'crois que tu veux parler à mon papa hein ?

Hm, ouais, dans ma chambre. La zappette est sur le poste, t'as qu'à te débrouiller.

Je le regarde partir en sautillant, avant de me retourner vers le plan de travail pour attraper mon verre et le vider.

Arrête ça, Charlie. A quoi tu crois que tu joues, sérieux ?

Je peux pas. Désolé. Tu me manques trop.

T'as une femme pour s'occuper de ta libido, je crois.

Je parle pas de ça, Ellen. C'est pas avec elle que je veux passer des soirées devant la télévision, au cinéma, partir en croisière, en voyage. C'est avec toi.

Je serre les poings pour empêcher mes mains de trembler, toujours de dos.

Et moi, je sais plus ce que je veux. J'arrive même plus à baiser correctement à cause de toi, Charlie. T'as pas le droit de me foutre en l'air comme ça.

Si j'ai le droit. Et je le ferais, tant que tu m'auras pas cédé. Tant que tu seras pas avec moi, je détruirai tout ce que t'essayes de construire, Ellen.

Tu me fatigues.

C'est pas grave.

J'avale d'une traite mon verre de whisky. Puis pose le verre sur le meuble, je la fixe droit dans les yeux. Non, je te lâcherai pas. Jamais.

Comment je pourrais te croire encore, tu peux me le dire ?

Arrête, Ellen. Tu fais que fuir devant la réalité. T'es morte de trouille. Le fait que je t'ai caché ma double vie, ça te donne qu'un prétexte pour me fuir. T'as juste peur de t'engager pour de bon.

Peut-être. Mais on peut pas dire que tu me facilites la tâche.

Tu le savais dès la première fois où on s'est rencontrés que je te faciliterai jamais les choses. Et encore moins, lorsque tu es venue me chercher. Chez moi.

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