Salle d'interrogatoire

Mes épaules se sont affaissées au fil de mon interrogatoire après mon appel téléphonique. Heureusement que j'ai un mental d'acier, sinon je crois bien que j'aurais craché le morceau au cours des premières heures de tortures psychologiques. Lorsque la splendide Mary Wolf, mon avocate personnelle, fait son entrée dans la salle d'interrogatoire, je sens bien que l'Agent Fédéral Scott se sent prise au piège et qu'elle comprend que je l'ai tout simplement embobiné du début à la fin. Il faut croire que Mary Wolf est une femme plus puissante qu'elle n'y paraît.

Je soupire exténué lorsque mon avocate me demande si j'ai fait une erreur dans ma déclaration. J'ai un regard vers la caméra puis pose ensuite mes yeux sur ma ravissante avocate :

Disons qu'il est difficile de tenir une théorie montée de toute pièce lorsque vous ne pouviez pas y réfléchir avant. Se retrouver dans une prise d'otage à la CBD entre les mains des Black Wolves et d'avoir la vidéo du Jewish Hospital qui montre des One Niners. Je ne pouvais pas me permettre de changer les propos que j'avais tenu quelques heures plus tôt, ce qui revenait à passer aux aveux. J'ai donc tenu les mêmes au mot près du début à la fin et ce en dépit des preuves vidéos.

Encore un long soupir et je me humecte les lèvres avant de me lancer dans le fameux discours que j'ai raconté un nombre incalculable de fois sans la moindre erreur :

J'ai tenu le discours suivant. Je cite :

"Dix jours après votre apparition à mon chevet au Jewish Hospital, des Wolves ont été dépêchés sur place pour m'enlever. Mais les hommes de mains n'étant pas très futés, j'ai pu leur échapper grâce à une infiltration du corps médical, puis en filant comme un dératé au rez-de-chaussée une fois hors de leur portée où j'ai croisé deux agents du FBI. Je leur ai fait savoir que des gangsters avaient été envoyés pour m'enlever. Ils m'ont pris pour illuminé jusqu'à ce ce qu'ils se fassent poignarder dans le dos, vous pourrez vérifier les rapports d'autopsie, vous y trouverez les coups de couteau.

C'est à ce moment là que j'ai fait face aux gorilles personnels de Salvatore qui m'ont bandé les yeux et m'ont traîné dans un véhicule jusqu'à l'une de leurs planques dont j'ignore l'emplacement. D'ailleurs, ils devaient craindre que je finisse par me repérer car j'ai été forcé à changer de lieu à pas moins de cinq reprises au cours des deux semaines qui se sont écoulées. Et puis, sans que je ne sache pourquoi, j'ai été assommé par un homme et ai été transporté au CBD, j'ai d'ailleurs patienté deux longues heures dans un de leur fourgon, temps durant lequel j'ai longuement été malmené. Lorsque je suis entré au CBD, j'ai encore été frappé à plusieurs reprises par les hommes que vous avez abattu, j'en ai profité pour subtiliser le couteau qui m'a permis de nous libérer tous les deux à l'un de ces abrutis inattentifs, trop concentré sur ses coups tout en étant à portée de mes mains."

Je lui laisse le temps de prendre en considération mes propos avant de dire :

Comprenez bien Maître Wolf, qu'il m'était difficile, voire impossible, de justifier un échange de prisonnier entre les Niners et les Black Wolves étant donné les relations qu'ils entretiennent et donc sous-entendre que les vidéos étaient trafiquées.

Par sa manière d'agir, son assurance et sa reformulation de mes propos pour me mener sur la voie de la vidéo, je comprends que ce n'est pas sur ce terrain qu'elle compte contrer le FBI lors de mon procès. Je ferme les yeux et prends cette fameuse inspiration méditative :

C'est effectivement plus compliqué que j'ai bien voulu le montrer à l'Agent Fédéral Scott. Mais je peux vous jurer, tout comme je le répèterais à la barre si j'avais à être interrogé à propos des chefs d'accusations qui pèsent sur moi. Je n'ai rien à voir avec les coups et blessures sur les civils et encore moins avec ces triples meurtres. Je suis l'ancien Capitaine du NYPD Maître Wolf, je suis né pour rétablir l'ordre et la justice, pas pour commettre des meurtres horribles !! De plus j'ai une haine viscérale envers les gangs et leurs gangsters et en particulier envers les One Niners qui sont responsables de la mort de mon père !

Je dis tout cela d'une telle force que je m'en persuaderais moi-même.

Voici ce qui s'est exactement passé au sein du Jewish Hospital Maître Wolf :

Au cours de mon séjour alors que j'étais encore attaché, j'ai senti des tensions étranges au sein du personnel de l'hôpital, plus les jours passaient, et ma libération de mes entraves physiques s'approchait, plus les tensions augmentaient. J'ai sérieusement commencé à me poser des questions sur ce qui pouvait bien se passer, afin de comprendre le pourquoi du comment de cette agitation soudaine. Étais-je devenu un patient dangereux aux yeux du personnel soignant ? Cela pouvait ne pas être impossible étant donné la présence permanente d'un agent du FBI à l'entrée de ma chambre. Mais je ne voyais vraiment pas pourquoi l'agent de police le plus réputé au sein du NYPD, le plus au devant de la scène, serait craint par la population et a fortiori par l'équipe médicale.

Cette tension devait forcément avoir sa source ailleurs : Des rumeurs. Mais de quelles rumeurs pouvait-il s'agir ? Je n'étais au courant de rien depuis mon internement et je n'avais accès à aucune chaîne d'information ni aux journaux. Le FBI avait formellement transmis l'ordre de me tenir à l'écart de l'actualité. Mais pourquoi donc ? C'était absurde.

Ne pouvant pas rester désinformé, j'ai appelé une infirmière et lui ai demandé un des journaux les plus récent possible. Je devais comprendre. La jeune femme très au fait des ordres qui avaient été donnés, s'était gentiment excusée de ne pouvoir accéder à ma requête. Mais elle était très accessible, j'ai donc usé de mon pouvoir d'influence sur les civils pour qu'elle accède finalement à cette requête. Ce qu'elle a fait.

Je reprends mon souffle avant de poursuivre :

En lisant les articles dudit journal, j'ai compris la raison de la fameuse tension palpable au sein de l'équipe médicale. Les gangs qui avaient fait preuve de calme presque plat ces derniers temps, commençaient à avoir des comportements étranges, ce qui était notamment le cas des Black Wolves et des Nordic's qui effectuaient des rondes sur Manhattan et les fusillades se multipliaient. Cela n'augurait rien de bon pour mon sens affûté des activités des gangs. J'ai donc cherché à comprendre ce qui pouvait bien se tramer en élaborant des théories et stratégies sur un échiquier en me mettant dans la tête de chacun des leaders.

Mais je n'ai pas eu le temps de réfléchir bien longtemps que mon ancienne collègue Abigail Jones est parvenue à entrer dans ma chambre en se faisant passer pour un médecin. D'ailleurs je ne comprendrai jamais comment les One Niners ont pu embaucher un tel déchet. Elle est incapable de tenir son rôle d'infiltrée jusqu'au bout sans se faire repérer. -Je dis cette dernière phrase avec tant de franchise que je ne laisse planer aucun doute sur ce que je pense d'elle et encore plus d'une éventuelle coopération que j'aurais pu avoir avec elle pour me sortir de l'hôpital, je rends cela tellement impensable.-

Si j'ai sauté de mon lit pour la rejoindre, c'est surtout parce que je ne comprenais pas sa présence en ce lieu à ce moment là. En tous les cas Maître, vous pouvez être certaine que si j'avais l'intention de m'évader, je n'aurais surtout pas fait appel à une incapable. Je ne suis pas assez sot pour m'en remettre à Abigail Jones. Jamais je ne ferais cela. Si j'avais eu l'intention de m'évader -et d'ailleurs pour aller où ?-, je me serais débrouillé par mes propres moyens, Maître Wolf.

Je laisse s'échapper un lourd soupir pour montrer que cette arrestation et ces chefs d'accusation sont tout bonnement ridicules :

J'ignore comment les One Niners ont-ils pu savoir que je me trouvais dans cet hôpital, sans doute ont-il eu vent des perquisitions qui avaient eu lieu à mon appartement et ont cherché sur ce point. Ou encore ont-ils des informateurs au sein même de l'hôpital...Cela ne m'étonnerait guère...

Quoiqu'il en soit, aussi incompétente soit-elle en matière d'infiltration, Abigail Jones était armée, et bien qu'elle m'aie sagement fait savoir qu'elle l'était, je n'avais pas besoin de cette confirmation pour comprendre que ce n'était pas par pure visite de courtoisie qu'elle était ici.

L'Agent Fédéral Scott m'a dit que je n'avais pas l'air très surpris de sa présence sur la vidéo. Mais me connait-elle suffisamment pour savoir comment je réagis face à de telles situations ? Je ne suis pas le genre de personne qui lance l'alarme devant son agresseur. Je suis bien plus subtile que cela...Si je l'écoutais me menacer avec des palabres débiles, je réfléchissais surtout à la manière que j'utiliserai pour lui faire faux bond.

Si le fait qu'elle actionne l'ascenseur a pu passer pour un plan prévu à l'avance, je peux vous assurer que ce n'est absolument pas le cas. Connaissant Abigail Jones pour l'avoir eu sous mes ordres, elle a surtout surévalué ses compétences et sous estimé ses interlocuteurs en faisant preuve d'autorité. Elle pensait les faire plier sous sa pseudo autorité pour que son psychopathe de service qui s'était installé sur l'armoire, me force à le suivre. Mais comme cela ne s'est pas déroulé comme elle semblait le penser, j'en ai profité pour m'enfuir. Cet hôpital ne représentait plus aucune sécurité à mes yeux. Ma vie était en danger ! Une fois au rez-de-chaussé j'ai d'ailleurs supplié les agents du FBI de me laisser passer mais ses derniers, trop sceptiques, ont perdu trop de temps à se décider. L'assassin de mon père est entré dans l'hôpital suivi de ses hommes de mains qui les ont assassiné devant mes yeux.

Je lève les yeux au ciel et soupire à nouveau :

Les hommes de main de ce type ont commencé à me rouer de coups avant que ce dernier s'interpose en disant qu'on me voulait vivant. Qui, je l'ignore, mais c'est ce qu'il a dit. Cet homme au charisme époustouflant m'a attrapé par le col et m'a effectivement menacé de mort en me rappelant l'épisode du métro pour me montrer qu'il n'aurait aucune pitié si je ne me cantonais pas à la version des faits que j'ai donné à l'Agent Fédéral Scott.

Pour ce qui est de la raison pour laquelle je me suis retrouvé entre les mains des Black Wolves, je ne la connais pas. Je sais simplement qu'avant de quitter l'hôpital, ils m'ont bandé les yeux. Mon agresseur a traversé l'hôpital comme une furie et j'ai entendu des coups de feu. J'ai ensuite été traîné dans un véhicule, Les hommes qui étaient chargés de me surveiller sur le siège arrière ne se sont pas fait prier pour me donner des coups dans les côtes le long du trajet.

Au bout d'un certain temps, une trentaine de minutes je crois, peut-être quarante, la voiture s'est arrêtée, le chauffeur est descendu, il s'agissait de celui qui m'avait menacé, j'ignore son nom. Si j'en crois les propos de l'Agent Fédéral Scott, il s'agirait de Bastian Farlos. Toujours est-il que je suis sûr qu'il s'agit de cet homme car lorsqu'il est descendu la pression est retombée, il était extrêmement nerveux. J'ignore pourquoi...

Au bout de vingt à trente minutes supplémentaires, j'ai été sorti de force et lancé entre des mains que je reconnaîtrais même sans les voir...Il s'agissait de Peter Salvatore...Je ne comprends pas très bien comment je suis passé des mains des One Niners à celles des Black Wolves mais il semblerait qu'il y avait une très forte tractation entre les deux gangs. C'est d'autant plus incompréhensible pour moi que ces gangs s'affrontent pour une extension de territoire...

Les Black Wolves ne sont pas venus pour m'aider ni pour contrer les One Niners mais je crois avoir été transformé en trophée. S'en est suivi ensuite, mon séjour de deux semaines dans des planques des Black Wolves jusqu'à ce que je sois assommé et transféré à la CBD. Tout ce que j'ai raconté est exact, j'ai simplement tourné court en présence de l'Agent Fédéral Scott.

Il me reste à savoir ensuite pourquoi mon ravisseur, Peter Salvatore s'est retrouvé ligoté et jeté en pâture au milieu des otages. J'ai l'impression que les One Niners ont fait prendre en filature le véhicule des Black Wolves pour en débusquer leurs planques et surtout l'endroit où se trouvait Peter Salvatore qui se serait au final retrouvé pris au piège.

Je la fixe et esquisse un léger sourire :

Pour moi cette situation était trop belle, je me suis jeté sur lui dans l'attention de lui faire payer. Mais il semblerait que j'aie sous estimé sa souplesse et aptitude à renverser une situation fâcheuse pour lui. Je me suis simplement fait avoir comme un bleu. Cela m'est monté à la tête et, profitant que l'Agent Fédéral Scott aie ordonné à ses hommes d'exécuter les gangsters présents, -à noter que je me décharge avec habileté de toute responsabilité concernant la mort de la quinzaine de Black Wolves deux fois d'affilées-je me suis procuré une arme de ces derniers pour me jeter à sa suite...Mais c'est ce moment que l'Agent Fédéral Scott a choisi pour m'interpeler.

Je soupire et ferme les yeux un instant avant de les ouvrir à nouveau et de conclure :

Vous connaissez tous les tenants et aboutissants de l'histoire réelle du Jewish Hospital jusqu'à l'épisode de la prise d'otage, Maître Wolf...

Fiou...Il en m'en aura fallu de l'imagination pour pondre un récit aussi réaliste,et même réel pour certains éléments...Voyons ce que va en penser mon avocate. Est-ce suffisamment un discours béton qu'elle pourra exploiter lors de mon procès ou veut-elle savoir autre chose ?

Je suis les échanges houleux entre mon avocate de l'Agent Fédéral Scott sans dire le moindre mot, levant simplement un sourcil lorsqu'elle nous fait savoir que Salvatore aurait balancé l'information concernant les Chefs de gangs des Black Wolves et des Nordic's. Lorsque l'Agent Fédéral Scott maintient ses accusations et précise que j'ai changé de version des faits je reste silencieux. J'attends que mon avocate me demande si j'ai des requêtes particulières. Je tourne la tête vers l'Agent Fédéral Scott et la fixe du regard avant de répondre à sa pique :

Je n'ai pas changé de version des faits Agent Fédéral Scott, je ne vous ai pas dit toute la vérité, nuance. Vous n'aurez jamais tenu trente minutes face à tout ce que j'avais à dire, vous aurez interprété et déformé mes paroles à votre guise et m'aurez coupé avant même que j'aie pu finir. Vous m'aviez condamné d'office. A quoi cela servait-il que j'use autant de salive pour vous ? J'aurais été en déshydratation avancée lorsque Maître Wolf serait arrivée.

Je laisse s''échapper un soupir puis m'adresse ensuite à mon avocate :

Quoiqu'il en soit Maître Wolf, puisque l'Agent Fédéral Scott maintient ses accusations, je souhaiterais, dans la mesure où le tribunal statuerait en notre faveur, que l'Agent Fédéral Scott ainsi que le FBI soient condamnés in solidum à me verser 250 000 dollars de dommages-intérêts aux titres de diffamation, d'atteintes à mon image, à mon honneur ainsi que celui de la famille Summer, et pour atteinte à ma notoriété vis-à-vis de la population new yorkaise. Mais également au titre de frais d'avocat que ce ridicule procès m'oblige à engager.

Ce sera la seule requête que j'aurais à à ajouter Maître Wolf, merci.