Episode 1 : Russian Roulette [Bryan Summer]

Je hoche lentement la tête dont toute émotion a quitté mon visage. Je lui tends son café en silence et pose le mien sur la table ronde à côté de nous. Je saisis le dossier d'une chaise que je recule avant de lui donner son premier ordre depuis son retour de vacances :

Assied-toi.

Je la laisse prendre place non sans me jeter un regard d'incompréhension la plus totale, puis j'embraye ensuite :

Avant que tu ne partes en vacances, tu te souviens que j'étais particulièrement irritable et que je vous demandais une perfection bien supérieure à la normale dans tous ce que vous faisiez. J'avais ouvert toutes les enveloppes à ma disposition pour réorganiser les services et lancer une vague de recrutements que personne ne semblait comprendre. J'avais également envoyé une demande expresse au Ministre de la Défense afin qu'il nous octroie des fonds supplémentaires.

Comme à mon habitude, je lui laisse le temps d'intégrer mon raisonnement très particulier plutôt que d'aller aux faits directement :

Nous n'obtiendrons jamais ces fonds.

A cet instant elle doit se dire que je me fais toute une montagne pour de l'argent, mais c'est avant que j'en vienne à en expliquer la raison :

Le Ministre de la Défense a été abattu de 5 balles simultanée dans la poitrine au cours de son discours que j'avais préparé de longue date, ce qui expliquait ma nervosité. Un pressentiment qui s'est avéré exact sans doute.

Comme pour lui démontrer que je ne raconte pas n'importe quoi, j'ouvre le dossier concernant la mort du Ministre de la Défense et lui place la première page entre les mains.

Voilà la raison de la présence des journalistes, Lucie. Désolé de te coller un si gros dossier à ton retour de vacances, j'aurais préféré l'éviter. Avant que tu ne poses la question, non il n'y a aucune trace sur les lieux du crime, c'est un travail de professionnel. Je me suis rendu personnellement sur place, tout à été nettoyé excepté une douille russe d'un Baïkal IZH18MH.

Je l'observe un instant avant de prendre mon gobelet et de le porter lentement à mes lèvres.

L'esquisse d'un sourire point au coin droit de mes lèvres aux propos de Lucie :

J'ai su dès mes premiers jours au NYPD que je pourrais toujours compter sur toi, Lucie. Et j'en t'en remercie.

Tu sais ce que je pense du FBI, ce sont des vendus. La tête du FBI a beau avoir changé, la plupart des agents qui étaient en place il y a 7 ans, sont encore en service alors même qu'ils aient été mouillés jusqu'au cou avec les Yakuza.

S'ils n'étaient pas sur les lieux du crime, c'est tout simplement parce que Scott a peur de moi et qu'elle préfère me faire déloger de mon poste de Directeur par les plus hautes instances. Elle sait que j'ai les meilleurs avocats de New York, et qu'il faudra frapper un très grand coup pour espérer me couler, et qu'elle ne prendra pas le risque de perdre un second procès humiliant.

Le sujet du FBI est toujours brulant. Depuis mon arrivée au NYPD, les relations déjà houleuses d'origine entre ces deux institutions, se sont largement envenimées.

S'agissant de mes heures à venir, elles seront comme d'habitude très chargées. Je vais commencer par évaluer les candidats sur leur capacité à réfléchir sur une situation réelle, à savoir l'incendie d'un casino appartenant aux Sadovskis qui a eu lieu quelques heures seulement après l’assassinat du Ministre de la Défense, à en croire le dossier qui m'a été transmis. Tu pourras m'accompagner si cela te tentes d'ailleurs.

Ensuite, nous ne perdrons pas de temps, je vous soumettrai les deux dossiers simultanément, et j'assisterai personnellement à la première partie de la réunion avant de retourner à mes autres dossiers. Je suivrai la suite de votre réunion via audioconférence.

Je bois la moitié de mon gobelet avant de terminer :

Pour ce qui est de mon week-end relativement serein, j'ai tenté de faire le vide en profitant de ma famille au maximum. Dean Jr a pu faire la connaissance des enfants de Damon et Mary Wolf, en particulier, leur petit dernier qui a son âge.

La famille est un tel pilier qu'elle peut vous faire oublier tous vos soucis aussi complexes soient-ils, en l'espace de quelques heures.

Ma manie de fouiner dans les dossiers que j'ai sous la main en permanence y compris lorsque je suis en pleine conversation, fusse avec une créature comme Lucie, ne m'a jamais quitté malgré que cela ne soit plus mon rôle depuis ma promotion. Cela s'avère d'ailleurs souvent très efficace, preuve en est encore une fois avec l'affaire du casino incendié. Après être parti avec je ne sais combien d'inconnues ce week-end, je viens en quelques coups d’œil de créer une relation triangulaire.

Lorsque je relève la tête pour croiser le regard de Lucie, mes yeux sont empreints d'un éclat brillant, comme cela a toujours été le cas lorsque je faisais des relations mentales avant de construire mon raisonnement pendant des heures, au grand dam de certains, comme O'Malley.

Oui, Lucie peut jubiler d'avance, le gros matou va regretter que je prenne les rênes de la réunion ce matin.

La suite de mes mouvements est prévisible dans de telles conditions, je me sers un second café bien corsé histoire d'électriser un peu plus mes neurones en prévision des évaluations, qui vont certainement s'annoncer plus compliquées que prévues pour les candidats, dès lors que je déchargerai O'Malley de la tâche que je lui ai donné avant mon arrivée.

Je bois une partie de mon gobelet avant de lui décocher un large sourire :

Je ne suis pas sûr que mes raisonnements alambiqués aient manqué à beaucoup de membres de l'équipe AG mis à part toi, Lucie. Je connais un pacha qui va tirer une tête pas possible ce matin lorsque je prendrai la tête de la réunion. Oui, tu as bien compris, mes neurones sont d'ores et déjà à plein régime.

Je jette un coup d’œil à ma rolex qui a coûté une fortune avant de reprendre :

Même à 9.00 a.m j'ai pas mal d'éléments pour vous faire réfléchir. Mais avant cela, j'ai des candidats à aller torturer. J'attends d'eux de l'excellence, et surtout des raisonnements aboutis. Il ne faudra pas s'étonner si certains abandonnent au bout de 5 minutes, je compte bien les pousser au-delà de leurs limites.

Ma matinée aura été bien chargée, et j'ai l'impression que mon après-midi va commencer comme ma matinée s'est terminée. Mon regard blasé en voyant arriver l'Agent Scott toute fière sur ses grands chevaux, se transforme en un masque impassible dès qu'elle ouvre la bouche.

J'entre dans son jeu comme s'il s'agissait d'une partie que nous n'avions jamais terminé, j'ai toujours été supérieur à elle psychologiquement, c'est un terrain sur lequel elle ne peut pas rivaliser bien longtemps, elle le sait parfaitement. Je me contente de lui répondre en la fixant de mon regard translucide, une phrase qui peut paraître triviale, dans une conversation simple :

Je ne vous attendais presque plus Agent Scott, une panne de réveil je présume ?

D'une simple pression sur le coin du bureau, une planche sur laquelle est installé le jeu d'échecs avec lequel j'ai résolu de nombreuses enquêtes, sort sur le côté. Je récupère le plateau que je place devant moi.

Toujours impassible, je désigne la chaise vide devant moi :

Prenez place, je vous en prie.

Je sais qu'elle avait l'intention de me déstabiliser avec sa menace, bien que certainement réelle. Mais encore une fois, elle a échoué. Je ne doute pas néanmoins qu'elle prendra place devant mon jeu d'échecs.

Je modifie les places de plusieurs pièces blanches comme noires, avant de glisser le fou noir, dont j'ai pris soin de laisser la couleur à l'Agent Scott, pour faire chuter un cavalier blanc mis en défense.

Le destin s'acharne toujours sur les meilleurs d'entre-nous Agent Scott, c'est une cruauté sans nom qui s'est emparée de Feu le Ministre de la Défense. Malheureusement, ce sont très souvent ceux qui restent qui en subissent les lourdes conséquences.

A quoi sert tout ce confort qui nous est offert face à une telle tragédie ? La vie est si courte pour être gâchée.

Je déplace un simple pion pour menacer son fou tout en protégeant ledit pion par ma reine.

Je lui arrache presque le papier des mains avant de le parcourir rapidement. Je lui lance ensuite un regard noir contrastant à souhait avec son sourire.

La partie n'est terminée que lorsque l'adversaire n'a plus aucun coup à jouer Scott.

Je laisse passer un ange tandis que ma carrière est temporairement mise entre parenthèses, à tout le moins à cet instant précis. Toutes sorte de contrattaques me bombarde l'esprit. Je conclue ensuite notre brève entrevue des plus agréables, comme d'habitude avec le FBI.

Toutefois, puisque je ne m'estime pas au-dessus des lois, lire entre les lignes, contrairement à vous,je vais suivre les instructions de cet acte. Comprendre présumé légal mais qui ne l'est pas.

Les prémices du second volet judiciaire Summer versus FBI viennent de démarrer dans mon bureau. Scott semble adorer tendre le bâton pour se faire battre, et je ne compte pas m'en priver.

Je n'ajoute rien et la laisse partir toute victorieuse qu'elle est. Dans les secondes qui suivent son départ je quitte immédiatement ma chaise de bureau pour enfiler ma veste, je range la vidéo compromettante dans une de mes poches intérieures accompagnée du papier attestant de la réception du colis.

J'emporte mon attaché-case qui ne quitte en principe jamais mon bureau, dans lequel je range mon Mac Book Air mini préalablement inséré dans son enveloppe. J'y ajoute l'acte de suspension de mes fonctions. Puis je laisse le bureau tel qu'il est, en désordre, ce qui mettra la puce à l'oreille de tout membre du NYPD qui y rentrerait.

En perquisitionnant mon bureau dans le cadre de l'enquête, si tant est que je ne l'aurais pas faite annuler d'ici quelques heures, le FBI ne trouvera rien à charge contre moi.

Je quitte ensuite le NYPD sans plus de préambule après en avoir informé la standardiste, laissant un message simultanément à tous les membres de mon équipe AG originelle, à savoir O'Malley, Lucie, Marianne, Lee et Kévin, sur leurs bippers.

Citation :

Suspendu de mes fonctions à l'instant par Scott. Ignore pour combien de temps.

J'ai la rage de vaincre, je ne compte pas en rester là. Je fais vrombir de hargne le moteur de la Camaro en faisant crisser les pneus sur le parking du NYPD. Je mets l'IPhone en Bluetooth pour appeler Sam.

Mon appel sur son téléphone a une sonnerie reconnaissable entre toutes, il s'agit ni plus ni moins du deux tons de la sirène de la Camaro lorsque j'utilise pour les urgences.

Désolé de te déranger dans tes dossiers ma douce. Je voulais t'informer au plus vite que ma guerre contre le FBI est à nouveau déclarée. L'Agent Scott vient à l'instant de me suspendre de mes fonctions non pas pour incompétence, mais pour complicité de l'assassinat du Ministre de la Défense !

Je laisse un temps de latence avant de poursuivre :

Je suis en route pour me rendre au cabinet de Maître Wolf. Je ne laisserai pas passer ça. Je compte assigner le FBI en référé pour commencer par faire annuler pour vice de procédure, la suspension de mes fonctions. Le fond sera plus musclé.

Je lâche un soupire blasé avant de conclure :

Comment ça se passe de ton côté mon amour ?

C'est à mon tour de laisser un blanc avant de répondre à mon épouse :

Désolé ma douce, j'ai tendance à oublier beaucoup de choses en ce moment...Je sais venant de moi c'est particulièrement anormal.

Un long soupire suit :

Scott s'est faite un plaisir de se charger personnellement de mon cas. Un goût de vengeance personnelle derrière tout ça.

J'ai la ferme intention de contrecarrer ses plans machiavéliques en commençant par assigner le FBI en diffamation notamment. Mais Scott a du retenir la leçon du dernier procès et s'armer un peu plus pour me faire face. Aussi vais-je devoir gonfler ma défense. Fichu système accusatoire !

Bref. Tu es à ton bureau actuellement ou à la maison que je sache quelle route prendre pour te rejoindre ?

Je dois voir le bon côté des choses. Je vais avoir tout le temps devant moi pour faire tout ce que j'ai à faire et que mon boulot m'empêchait de gérer. Et je vais surtout pouvoir passer du temps avec mon fils. L'avantage quand votre cerveau est votre outil principal, c'est que personne ne peut véritablement vous empêcher de commander vos hommes à distance et de soumettre vos réflexions.

Je vais faire comme ça ma douce. Je suis désolé par avance de la surcharge de travail que je vais vous rajouter. Je ne te retiens pas plus longtemps, je te laisse revoir ton dossier. Au mois, tu seras certaine que je serai rentré tôt ce soir, ce sera l'un des rares points positifs.

J'irai récupérer Dean, tu pourras rentrer tranquillement. Bon courage pour ton rendez-vous et ta journée ! Je t'aime Sam.

Je la laisse raccrocher, avant d'appeler le bureau de Damon au garage. A défaut je le contacterai sur l'un de ses numéros personnels. J'aviserai en fonction des résultats pour savoir quelle voie emprunter. De toute façon, la circulation dense va me faire perdre du temps.

Je fronce les sourcils à l'attention du potentiel Niner qui me fait signe de le suivre. Je ne sais pas si on me prend pour un bleu pour suivre un inconnu dans la rue, mais ce n'est pas mon genre. Encore moins lorsque le FBI est sur mon dos.

Je décide de rester sur ma file menant vers le garage Wolf&co, en ignorant à nouveau l'homme tatoué qui pourrait être n'importe qui, et qui n'aurait aucune connaissance du pacte s'il s'agissait d'un Niner.

Si je devais être suivi, je mettrais alors le gyrophare sur le toit et enclencherais la sirène afin d'emprunter la voie réservée aux forces de police et aux secours. Par ailleurs je donnerais ma position et décrirais à la perfection la voiture et l'homme qui me suit à O'Malley. Qui qu'il soit, il est définitivement gravé dans mon cerveau et son portrait ne manquera pas de subir le scanner du programme spécifique.

Je tourne les talons lorsque le bras droit de Damon m'informe que ce dernier n'est pas présent au garage. A défaut d'avoir le big boss sous la main, son second fera l'affaire en partie pour ce que je suis venu quérir.

Je me dirige vers lui le saluant d'un signe de tête :

C'est dommage que votre patron ne soit pas présent, toutefois pour ce que je venais l'entretenir, je ne doute pas que vous soyez compétent M. Morgan.

Mon regard se pose sur le capot de la voiture avant de poursuivre non sans un léger sourire :

Mais je ne souhaiterais pas vous déranger en plein travail.

Je hausse un sourcil lorsqu'il me supplie de ne pas l'appeler par son nom de famille. Je fais aussitôt mon mea culpa :

Autant pour moi Gabriel. En ce qui me concerne, Summer Junior, c'est mon fils désormais.

Je reprends mon sérieux avant de regarder derrière moi et sur les côtés, comme un véritable loup. Une belle ironie au garage des wolves.

Pas ici.

Je passe finalement au tutoiement comme il le fait pour moi :

Tu as une pièce tranquille avec un portable sous la main ?

Je le laisse me guider au lieudit puis, une fois assuré que les murs n'auront pas d'oreilles, surtout celles du FBI, je sors la viédo concernant le casse du casino dans le Bronx. Puis je la passer dans le portable en question avant de commenter :

C'est l'une des vidéos du casse du Bronx. Comme tu peux le voir par toi-même on ne reconnait personne sur cette vidéo, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je n'ai donc aucune crainte que le FBI mette la main dessus, maintenant que Scott vient de me mettre à pied, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête pour confirmer ses propos :

Après les japonais, les russes. On ne change pas une équipe qui gagne.

Puis je sors le document dont il me parle non falsifié, mais en ma possession de toute façon :

Avec la ptite rouquine comme tu l'appelles, dans les pattes pendant une heure, je n'ai rien eu le temps de faire avant l'arrivée de Scott. Oh bien sûr, je savais que je serai bien emmerdé, sauf que Abigail est censée être morte aux yeux de tous et se pointe comme une fleur au NYPD, comme si je n'étais pas assez emmerdé comme ça.

Je soupire :

Tu vois parfaitement le topo. Que je laisse la vidéo dans le carton ou la retire, le résultat serait le même au final. Dans les deux cas je suis mort si je n'ai rien le temps de faire avant qu'ils perquisitionnent mon bureau.

Je ne pouvais pas faire modifier le DVD par l'un de mes informaticiens sans soulever des soupçons. Tu t'y connais dans ce domaine ou aurais des hommes qui sauraient m'assainir ça rapidement pour que je puisse la remettre avec les autres dans les temps ? Disons, que je l'aurais oublié dans mon portable avant que Scott ne me dérange.

Je serres les mâchoires un instant. Ça j'aurais pu le faire moi-même ou donner le DVD à Abigail. Je hausse finalement les épaules et me sers dans la panoplie de stylos sur le bureau. Je modifie avec une minutie d'orfèvre le 6 en 5 en noir. Je désigne ensuite la photocopieuse de la tête :

Je peux ?

Je sors le nouveau document avant de déchiqueter l'original :

Il faut croire que je réfléchis trop parfois. Vos méthodes sont plus rapides. Après tout le FBI utilise les mêmes alors pourquoi pas moi ?

Puis :

Revenons-en à ton domaine favoris, Damon t'a-t-il reparlé des papiers pour les deux Porshes 911 ? S'ils sont prêts je peux les signer maintenant et régler. O'Malley pourra venir en chercher une tandis que je repartirai avec l'autre.