Salle réunion équipe spéciale GANG

Je hoche la tête négativement à l'encontre d'O'Malley :

Ca sera tout O'Malley, je pense que vous avez suffisamment de directives pour maitriser la situation. Tu peux aller préparer les filles.

Je le laisse donc partir et me dirige ensuite vers mon père qui me semble bien concentré lui aussi, tout comme moi, mais il y a un élément en plus qui me perturbe chez lui. Il me semble suspicieux. Je pose une main délicate et qui se veut apaisante sur son épaule :

Tout va bien papa ? Tu es sûr de vouloir descendre sur Brooklyn ?

Je me mords la lèvre inférieure et commence à avancer vers la porte en même temps que lui :

J'ignore quelle est la corrélation entre les arrestations de ces deux hommes, mais je ne me suis pas entièrement fié à l'intuition de Sam pour prendre la décision d'utiliser le jeune Jones comme appât, de plus, il n'aurait pas pu anticiper cette décision, j'aurais très bien pu prendre celle de le garder au chaud et me contenter de faire protéger sa famille.

Josh Jones est le frère d'Abigail et Maître Jones n'est autre que leur mère. Par contre, c'est Abigail que je n'arrive pas à cerner. Ce n'est pas uniquement parce qu'elle me manque de respect ou quoique ce soit d'autre, non, elle me semble étrangère au sein de l'équipe, comme s'il s'agissait d'une intrus. Je n'arrive pas à lui faire confiance et en plus on ne sait jamais où elle va. On nous cache des choses.

Pour une personne qui vient de Chicago, sa famille me semble bien ancrée à New York...Après cette affaire, il va falloir que je mène mon enquête, je n'aime pas ça. A moins que tu puisses m'obtenir des éléments de réponses ou que je questionne directement sa mère.

Puis, lorsqu'il me reproche de me fier aux ressentiments de Sam, je fais une petite moue avant de rétorquer :

Si j'ai tenu à rencontrer le frère d'Abigail, c'est que je voulais moi-même m'assurer que ce que pensait Sam était exact ou plutôt me semblait vraisemblable. Cet homme me semble vraiment traumatisé par les Nordic's. C'est d'ailleurs son avocate-mère qui lui a fait signe de suivre ma proposition de nous servir d'appât, il semble craindre pour sa vie. A moins qu'il ne sache maitriser à merveille ses signes corporels pour me tromper, il semble dire la vérité à propos de son tatouage. Par ailleurs il se serait endetté de 7600 dollars auprès du gang.

Je laisse planer un silence pendant quelques secondes avant de répondre à sa dernière question :

J'ai énoncé mes craintes pour la sécurité de nos membre en appuyant particulièrement sur celle de Sam, mais elle ne semble pas inquiète de son côté, arguant de la présence d'O'Malley, non loin de son propre appartement, bien que selon moi, quant bien même O'Malley est un excellent homme de terrain, je doute qu'il puisse se débarrasser d'éventuels gangsters en surnombre.

Mais tu ne me dis pas tout ce que tu sais papa à propos des gangs, il faudra que l'on reprenne cette conversation plus tard, lorsque l'on sera tous les deux. Tu dois tout m'expliquer. Si je suis amené à te remplacer un jour, même si je ne le souhaite pas, je devrais être à même de comprendre la situation actuelle pour la gérer au mieux.

A mon tour, j'énonce ma dernière réplique avec un léger ton de reproche bien que je comprenne qu'il cherche à me protéger.

Je hoche la tête :

Alors j'étudierais tous tes dossiers. Je ne peux pas me permettre de rester ignorant et à me faire traîner par les gangs où bon leur semble. Ce n'est pas dans mes principes.

En ce qui concerne Abigail, nous verrons ça, le plus libre des deux se chargera de contacter le commissaire Einor pour obtenir des informations sur elle.

Pour ce qui est du mariage entre les Blacks Wolves et les Nordic's, qu'est-ce que cela changerait au scénario que nous nous sommes imaginé puisque nous estimons qu'ils sont d'ores et déjà alliés et qu'ils agissent en commun depuis le démantèlement de la Triade ?

Posant la main sur la clenche :

Concernant "la petite amie de Kévin", il paraît que tu connais son identité et que tu la recherches depuis longtemps car tu étais un ami de son père. Là aussi, il faudra que tu m'en dises un peu plus. A moins que cela soit dans tes cartons ?

Quoiqu'il en soit, allons-y avant de louper le rendez-vous du Nordic's, les dealers c'est pointilleux sur les horaires.

Je le laisse donc me répondre et nous partirons vers le point de rendez-vous en rejoignant O'Malley et les filles.

Je n'ai annoncé mon arrivée au NYPD à personne d'autre qu'à Sam. J'ai effectivement répondu à son message qu'elle a laissé sur ma boîte vocale par un SMS de crainte qu'elle réponde au volant. J'espère créer l'effet de surprise, je suis en principe en arrêt maladie et ne suis pas censé faire d'apparition au NYPD.

Malgré tout, bien que je sois en tenue de civil, j'ai tout de même mon arme de service clipsée à ma ceinture, sait-on jamais, quelque fois que l'on aurait la mauvaise idée de s'en prendre au nouveau Capitaine de l'équipe AG. Cela faisait longtemps que je n'avais pas conduit la voiture personnelle de mon père, c'est un peu difficile à vrai dire, tant de souvenirs que nous avons pu vivre ensembles par l'intermédiaire de ce véhicule.

Arrivé au NYPD je me fais discret et me gare à côté de la voiture de collection d'O'Malley puis me dirige la tête haute, vers l'accueil de l'Hôtel de Police. C'est toujours difficile de franchir les portes automatiques et d'avancer seul vers la standardiste qui me fait son petit sourire triste. Oui je vis une épreuve compliquée, oui je sais que vous teniez tous à mon père, mais pas autant que moi. Je la salue poliment d'un signe de tête puis m'engage dans les couloirs menant à la salle de réunion. A cette heure-ci, je suis à peu près sûr de ne croiser personne.

En arrivant au niveau de la porte de la salle de réunion, je prends une profonde inspiration puis franchis en silence le seuil de la porte, effectuant un tour de table du regard avant que mes hommes ne se rendent compte de ma présence, pris dans leurs conversations habituelles.

Cela me rassure je suis arrivé avant Sam, elle n'a donc pas vendu la mèche quant à mon arrivée. Je me racle la gorge, le sourire aux lèvres. Leur présence me fait toujours un grand bien. Je m'exclame :

Alors comme ça on n'invite pas le patron à prendre part au festin, les enfants ?

Je dis cela alors que j'écarte les bras, les invitant de la sorte à venir embrasser leur supérieur paternaliste. Oui, car depuis la mort de Dean, j'ai énormément changé, je suis d'un côté paradoxalement plus exigeant en ce qui concerne le travail et de l'autre plus affectueux avec mon équipe.

Je constate avec joie que toute mon équipe est là (outre Sam qui arrive avec le repas), y compris Marianne qui est en pleine rémission. D'ailleurs, si je laisse les autres venir à moi, c'est moi qui vais vers elle, l'enlaçant soigneusement tel un père qui protègerait son enfant :

Comment te portes-tu Marianne ?

Lorsqu'elle m'aura répondu, je me mettrai debout face à toute mon équipe, à la place qu'occupait mon père, je fais le maximum pour leur montrer que je fais au mieux pour me remettre de mes souffrances et que je serai au top pour reprendre pleinement l'équipe en main bientôt. Bien sûr, je leur donne toujours mes directives à distance si nécessaire. Je m'adresse ensuite à toute mon équipe :

J'espère que tout le monde va bien !

Comme toute personne souffrante, je préfère prendre des nouvelles des autres plutôt que m'étaler sur mon état de santé. C'est le meilleur moyen pour une prompte rémission paraît-il. Malgré tout, je sens qu'une phrase leur brûle les lèvres qui est celle-ci : "C'est plutôt à vous qu'il faut demander ça, patron."

Je ne réponds pas de suite à Lee, me contentant de reprendre ma place en lui tapotant l'épaule. Lorsque Sam arrive avec le repas, et m'embrasse sur la joue, je suis tenté de tourner légèrement la tête de sorte que mes lèvres touchent les siennes, mais ne le fais pas. Je me contente de lui déposer un baiser sur le front et de caresser l'une de ses mains tandis qu'elle va prendre place à côté de Lucie. D'ailleurs, si nos tireuses d'élites croient passer inaperçu avec leur petit manège, elles se trompent, j'ai d'ailleurs souris à ce moment là.

Lorsque Kévin me dit qu'il a court-circuité les caméras de la salle de réunion, je suis assez surpris, je ne me souviens pas lui avoir fait part de mes doutes. Le petit génie en informatique a des talents de déductions cachés ou alors il complote avec une "taupe", O'Malley en somme.

Ma boisson en face de moi, j'entame ma portion de frites avant de répondre :

Tu lis dans mes pensées Kévin, c'est bien ça !

Puis, je m'adresse ensuite à Lee dans sa langue maternelle, à sa savoir le chinois :

Je ne l'ai pas relevé de suite Lee, mais tu me vois flatté d'être ton idole ! dis-je avec un clin d'oeil à son encontre.

C'est la première fois depuis mon arrivée au NYPD que j'utilise une langue étrangère, qui plus est des plus complexe au monde, au sein de la salle de réunion.

Je lui laisse bien entendu le temps de me répondre avant d'embrayer sur la suite et d'entamer mon premier hamburger :

Excusez-moi. Bon appétit à toutes et tous !

Je laisse un laps de temps avant de reprendre :

Donc par quoi allons nous commencer...Quand, je t'ai appelé tout à l'heure Kévin, tu disais que c'était la routine, il n'y a vraiment aucun élément qui puisse nous faire avancer ? Un peu de nouveauté ne ferait pas de mal. Quels dossiers avez-vous traité ce matin ?

Sinon ce n'est pas grave, sortez les billets pour cet après-midi on se fait un poker ! Faut bien justifier son salaire, dis-je sur le ton de la plaisanterie.

Et sur le terrain, la pêche a été bonne ou vous êtes revenus bredouilles ?

Je n'en dis pas plus et sirote ma boisson puis continue de manger.

Je continue de manger tandis que j'écoute les compliments de Lee. Contrairement à O'Malley, je ne lui réponds pas en mangeant, je m'essuie la bouche avant :

Merci Lee, pour l'accent américain, désolé, j'ai travaillé à l'oreille et sur un bouquin. Je suis un éternel étudiant. Donne-moi deux semaines et je te promets que tu ne discerneras plus mon accent ! Pour le poker par contre ça sera pour plus tard, on a du pain sur la planche.

Je réponds au sourire communicatif de Sam avec un regard de tendresse et plein de reconnaissance pour avoir été près de moi à m'écouter déballer du charabia, en reprenant une à une les affaires classées que je traduisais en langues étrangères.

O'Malley quant à lui semble s'être amusé dans le Bronx, d'ailleurs cette portion de la ville porte bien son nom. D'un signe de tête approbatif je lui dis simplement :

Ce sont des prostituées mexicaines venues tout droit du Mexique pour les affaires des Niners. Si tu veux en voir des de luxe, c'est dans leurs QG qu'il va falloir aller. Leur trafic de prostituées pérenniserait depuis 1865 si j'en crois les archives.

Je termine mon dernier hamburger et sirote le fond de mon gobelet avant de partir dans une synthèse la plus concise et compréhensible possible, étant donné que moi-même j'ai du mal à comprendre. Je m'enfonce dans ma chaise que je recule un peu dans un profond soupir :

Le gang des One Niners est originaire de Sicile et regroupe également des mexicains, c'est pourquoi je faisais allusion aux prostituées mexicaines. Je dis gang mais à la date de sa création suite à la fusion des One's fondés par un certain Baptista et les Maran's par un certain Abelardo, on parlait plutôt de "club". Ceci dit, la notion de club ne correspond vraiment pas aux activités des Niners à savoir les meurtres d'hommes politique (en leur coupant un doigt de sorte qu'il leur en reste que neuf) et le trafic d'humains et d'esclavage, notamment pour la fabrication de munitions de AK4. Je vous passe le détail sur le sort réservé aux "ouvriers" si les quotas n'étaient pas assurés. De même pour le sort des enfants afin de faire la manche dans le métro.

Je ne vous ai pas donné la date de création du gang car je n'en suis pas sûr moi-même. Un rapport de mon grand-père datant du 23 juin 1865 tendrait à dire qu'à cette époque les One Niners étaient déjà bien établis tandis que l'acte d'autorisation de séjour de Baptista, fondateur des One's, aux USA date de 1912 et la création de ces derniers de 1919. Autant dire que c'est le gros bordel et que je ne suis pas sorti de l'auberge. Dans les jours à venir je vais tenter de retracer un arbre généalogique des chefs de gangs des Niners, jusqu'à aujourd'hui.

Je me passe une main dans les cheveux après me les être bien essuyé, puis me frotte la nuque, mon signe habituel lorsque les affaires que je traite sont tordues et ultra complexes :

Dans son fameux rapport, mon grand-père souligne qu'il se doutait qu'un complot de meurtre contre l'un des chefs du gang allait avoir lieu puisque aucun d'eux ne voulait être rabaissé au grade de Vice Président ou de Bras droit. D'ailleurs, avant qu'il soit appelé soi-disant anonymement pour une affaire de dope, il était sur le point de coincer Baptista et la Chef de gang (ou Présidente du club) des Little Dolls, Virginia. Il exprimait sa frustration dans son rapport, persuadé qu'il avait été écarté par le Niner et la Little Dolls en personne, afin qu'ils puissent descendre Abelardo, l'homme de trop. Leur mobile n'étant autre chose que, je cite "ils disent qu'ils étaient en train de baiser pendant que Abelardo s'est fait assassiner."

On pourrait croire que j'ai appris le rapport par coeur mais que nenni, je fais ma synthèse sans notes et cite de la même manière en me basant sur ma mémoire spontanée, les éléments refaisant surface au fil de mon développement, comme si je venais de lire le rapport. Je suis pratiquement sûr que je pourrais ressortir une conversation telle quelle d'il y a plusieurs semaines.

Je poursuis :

Dès cette époque, il était certain qu'il y avait une taupe dans son équipe ! Ca ne date donc pas d'aujourd'hui ces magouilles...A la différence près que les gangs d'aujourd'hui ont des technologies plus développées pour avoir la mainmise sur New York, ou plutôt essayer de la garder...

Je reprends mon souffle tranquillement avant de poursuivre :

C'est à partir de ces éléments que je t'ai contacté pour savoir si tu pouvais me trouver des informations complémentaires concernant les relations entre les One Niners et les Little Dolls, Kévin. A travers ces premiers éléments, tout semble me mener vers des relations amicales ou plutôt d'intérêt et/ou de pures parties de jambes en l'air entre les deux Chef de gangs. Je verrai ce qu'il en est pour les générations suivantes mais ces deux gangs ont agi de concert par le passé et il n'est pas exclu qu'ils fassent de même encore aujourd'hui, malgré l'écran de fumée qu'ils mettent en place par des affrontements sur le terrain afin d'attirer notre attention ailleurs. N'oublions pas que les Little Dolls sont la plaque tournante en matière de trafic d'identité, mais aussi les propriétaires de la plupart des hangars de la ville dont les 3/4 sont à Staten Island.

Comme disait mon grand-père "voleurs, traîtres, ils le sont tous..." Les pactes de non agressions se font et se défont aussi vite qu'ils ont été créés...

Puis avec une détermination déconcertante :

Quoiqu'il en soit, si nous voulons couler les gangs, il va falloir comprendre leur histoire et leur fonctionnement. Ce ne sera pas une mince affaire, mais comme je l'ai annoncé hier lors de mon interview, je garde la date butoir de 2023 fixée à l'origine par mon père pour rayer les gangs de la carte !

Encore une fois je fais preuve de réflexion en remettant en cause la guerre que se livrent les Niners et les Little Dolls. Si ce ne sont pas des amis, il est certain qu'ils sont prêts à comploter à nouveau pour nous écarter des réels coups de filets. Vivement que j'augmente considérablement ma notoriété pour que les gangs comprennent que Bryan Summer n'est pas un Summer pour rien, que la vivacité d'esprit de notre famille ne se tarie pas au fil des générations, bien au contraire, qu'elle s'aiguise.

Je prends en compte les freins que m'imposent Kévin et Sam puis garde le silence une longue minute inquiétante, le visage enfoui dans mes mains. Les jambes me démangent, je ne peux plus rester assis. Je me lève donc en silence, retenant ma respiration puis me déplace dans la longueur de la salle, songeur, en direction de la table postée contre le mur derrière Sam et Lucie. En appui sur mes avant bras, le dos tourné, je soupire de douleur et de dépit :

Vous avez raison...Je suis trop impliqué dans cette affaire. Plus que couler le gang des Niners, c'est mettre la main sur le meurtrier de mon père que je cherche à faire...Pour le liquider d'une balle en pleine gorge en guise de représailles...

Je lève les yeux au ciel et fais un signe de croix puis envoie un baiser dans les airs. J'avale un sanglot bruyant de travers puis tente de me reprendre ensuite. Je me retourne et plaque mon dos contre le mur les yeux dans le vague, et d'une voix rauque :

Je n'arrive plus à réfléchir en ayant une vision globale des affaires concernant les gangs. Je suis obnubilé par les Niners et cette putain de scène. Je la revis en boucle.

Je sens la colère monter en moi, mes poings se crispent, je tente de me canaliser en respirant lentement mais rien n'y fait, j'attrape la chaise vide près du mur et l'envoie valser au sol. Puis je fulmine en russe :

PUTAIN DE VIE, PUTAINS DE GANGS !!

Il suffit d'un rien pour que ma douleur reprenne le dessus, je suis encore fragile.

Ce n'est qu'une fois que j'aurai été calmé par ma douce et l'ensemble de mon équipe que j'arriverai à reprendre où nous en étions en rebondissant sur l'intervention de Lucie :

Excusez-moi...Je n'aurais pas dû m'emporter. Lucie, tu disais que vous aviez interpellé un voleur travaillant pour un détective et qui plus est infiltré chez le Nordic's ? C'est plutôt incompatible le vol et bosser pour un détective, non ? A moins que ce soit dans le cadre de ses missions. M'enfin quel marché avons-nous passé avec lui pour qu'il accepte de coopérer ?

Je reprends ma place après avoir remis la chaise à la sienne et écoute avec un grand intérêt Marianne, surtout lorsqu'elle me parle de l'enquête sur la disparition d'une certaine Elie Luce. Je m'enfonce dans ma chaise, comme tout à l'heure lorsque je leur ai fait mon long discours qui les a scotché sur place. En revanche je ne soupire pas, bien au contraire, mes yeux pétillent de satisfaction. Mes coudes posés sur les accoudoirs, je rejoins les pointes de mes doigts entre-elles, signe de grande méditation et de remise en place des pièces du puzzle.

Ce Jayson Blair m'intéresse. Je lui offrirais volontiers la possibilité d'intégrer l'équipe AG s'il se montre efficace dans le cadre de ses enquêtes privées. Je souhaite le rencontrer pour en savoir plus sur l'objet de ses enquêtes, surtout celle qui est officieuse.

Je fais pivoter ma chaise de sorte de faire face à Kévin. Pourquoi lui ? Tout simplement parce qu'il y a de bien belles coïncidences entre la fameuse Elie Luce recherchée par le détective privé et l'otage qui discute avec Kévin depuis cinq mois :

Ton contact otage des Black Wolves et qui nous a livré O'Higgings n'était-elle pas recherchée par mon père qui se disait être ami avec le sien avant qu'il soit éliminé ?

Je dis ça...mais peut-être que je fais une relation un peu rapide. Ca me semble juste énorme comme coïncidences...Surtout que les Nordic's sont alliés aux Black Wolves et agissent de concert depuis quelques temps maintenant...

Je ne sais pas ce que vous en pensez tous...Mais j'ai comme un très fort pressentiment que nous recherchons la même personne.

Je hoche la tête concernant les recherches de Kévin :

Envoie-moi les informations importantes que tu trouveras par mail avec ton avis. Ainsi que tes conversations avec ton contact en pièce jointe, s'il te plaît.

Je me tourne ensuite vers Marianne :

Un rendez-vous avec son père devrait être suffisant étant donné qu'il était sur le dossier avant son fils. Inutile de mobiliser toute l'équipe pour ce rendez-vous, s'il n'y a aucune urgence de terrain, puisque vous avez été en contact avec son fils, vous pourrez participer à cet entretien avec moi si vous le souhaitez les filles. Pour le rendez-vous, si vous réussissez à le contacter cet après-midi, prenez la date et l'heure qui l'arrange, de mon côté j'intercalerai mon rendez-vous avec l'hôpital ayant recueilli la jeune femme qui a assisté à la fusillade entre Little Dolls et One Niners, il y a quelques mois.

Lorsque Lee nous relance sur le poker, je lève un sourcil et esquisse un sourire :

Tu ne perds pas le Nord, Lee. Dis-moi, tu n'as rien à faire de plus utile actuellement ? Si tu t'ennuies je peux te donner du boulot supplémentaire. Qu'en dis-tu ?

Je me retiens de dire que pour un otage ça me semble louche d'avoir accès à Internet, pas envie de partir dans un débat stérile sur l'informatique. En revanche, je plisse les yeux à l'attention de Lee, un sourire sadique aux lèvres :

Et pourquoi pas ? Une aide supplémentaire pour éplucher les archives de mon appartement ça nous permettrait d'avancer plus vite et peut-être d'avoir du temps libre pour un poker après. Sur cinq cartons, je n'en ai ouvert qu'un et je n'en ai pas fini avec. Sans compter les affaires quotidiennes.

Je te donnerais bien des missions d'infiltration mais je n'en ai pas de prévues pour le moment. Non la meilleure tâche que je puisse te donner à l'heure actuelle ce serait de venir éplucher les archives avec moi et de me faire des fiches de synthèses des éléments intéressants que tu trouverais. Tu pourrais me le faire en chinois pour rendre la tâche plus joyeuse.

Je lui lance un regard appuyé ne lui laissant pas vraiment le choix, même si je lui pose la question :

Alors ?

Je tape des mains tout en me levant pour lui tapoter l'épaule :

Génial ! On commence demain matin, je viendrai te chercher au NYPD. Cet après-midi, j'ai besoin de changer d'air, j'irais sûrement tirer un peu en salle d'entraînement, à moins que je fasse un tour à la salle de sport.

Des volontaires ?

Le lendemain matin, j'arrive très tôt au NYPD malgré le fait que j'en sois parti tard la veille, le temps pour moi de constituer mon dossier concernant Ashley Barton. Pendant une petite demie heure, je leur ai pré-mâché le travail pour leur éviter des prises de notes fastidieuses. Malgré tout, j'ai été assez succinct dans mon rapport concernant mon entretien avec le Docteur Christian. Je sais très bien que si je leur donne un rapport très complet, ils auront du mal à m'écouter tout du long, même si j'attire facilement leur attention de part mon éloquence me permettant de rendre mes discours vivants.

Au sein dudit rapport que j'ai imprimé en autant d'exemplaires que de présents excepté moi, qui n'ai pas besoin de support papier pour parler, outre pour faire des présentations, je n'ai pas parlé de la somme d'argent due par la jeune femme à l'hôpital, aussi devront-ils être concentrés pour comprendre mon raisonnement.

Par ailleurs, je leur ai également imprimé en autant d'exemplaires la photographie d'origine du groupe de Fac de Ashley Barton ainsi que le portrait vieilli que j'ai redessiné à part. Je dois avouer que j'ai eu la flemme de faire un transparent.

Lorsque j'arrive dans la salle de réunion avec mon dossier dans les mains, on voit de suite à mes mouvements de tête de gauche à droite pour faire craquer ma nuque, que j'ai passé une nuit de merde en solitaire. De plus, même si la marque de la baffe s'est un peu dissipée, elle reste tout de même en partie présente. C'est qu'elle ne m'a pas loupé. Et il faut avouer que m'endormir dessus n'a pas vraiment arrangé les choses.

Néanmoins, cela n'entache en rien ma volonté d'écraser, oui car il s'agit bien là d'écraser, les Little Dolls. D'ailleurs, la pochette comportant mes documents et que je pose assez énergiquement sur la table devant moi, est intitulée "Little Dolls" en lettres majuscules, de couleur rouge et surligné en vert.

J'effectue mon tour habituel de la table du regard, avec un signe de tête neutre à l'attention de Lee pour lui montrer que c'est de l'histoire ancienne. Puis j'embraye ainsi sans même prendre le temps de me faire un café et en restant debout :

Bonjour à toutes et à tous.

Aujourd'hui, à tout le moins ce matin, comme vous l'aurez devinés vous-même, nous allons évoquer le gang des Little Dolls, ou plutôt, une personne ayant été en contact avec eux. En effet, rappelez-vous, il y a un peu plus de cinq mois, nous avons traité une affaire relative à une fusillade entre les Little Dolls et les One Niners. Pas n'importe quelle fusillade, celle au cours de laquelle une jeune femme enceinte s'était retrouvée entre les deux feux.

J'ouvre le dossier et distribue la photo et le portrait extrait et retouché.

Je vous présente Ashley Barton, notre témoin miraculée dans cette affaire.

Je leur laisse le temps de se réveiller et de réagir s'ils le souhaitent.

Je ne cille pas un seul instant et ne réponds pas à sa pique :

Tu as un autre dossier à me proposer ?

Puis sans aucune once d'humour ni d'agressivité pour autant :

Visiblement je ne suis pas le seul à avoir des préjugés avant de m'informer. A quel moment ai-je dit que je souhaitais inculper Ashley Barton ? J'ai dit qu'elle était notre témoin. Elle est notre piste la plus sérieuse pour nous mener à un gang. La seule personne vivante ayant été en contact avec eux. Si j'avançais mes affaires seulement si j'étais sûr que nos interlocuteurs nous mèneraient à un Chef de gang, je prendrais ma retraite anticipée dès maintenant.

Je sors de manière anticipée le rapport, et fais circuler les exemplaires.

Voici le rapport de l'entretien que j'ai eu avec le Docteur Christian à son sujet.

Je continue ou vous en avez rien à cirer ?